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Représenter le rêve au cinéma


Au cours du premier semestre 2021, nous avons réfléchi sur le rêve au cinéma.

On dit souvent qu’Hollywood est une usine à rêve, et l’expérience même du spectateur se rapproche de celle du rêveur, une expérience onirique dans laquelle il est plongé (obscurité, immobilité du corps, confort du fauteuil), la salle de projection est conçue pour mettre le spectateur dans un état de somnolence réceptive. Tout le cinéma a donc affaire avec le rêve.

Le cinéma est onirique, sans qu’on ait besoin d’aller chercher du côté du merveilleux d’un Terry Gilliam pour le comprendre. Par son procédé même, le cinéma comporte une dimension de rêve, même le plus réaliste.

Nous nous sommes attachés, pour limiter le champ, à quelques films qui présentent explicitement un rêveur, ou une scène de rêve, par exclusion du cinéma qui transgresse ouvertement les lois de la réalité.


Il est impossible de représenter un rêve précisément puisque le rêve est expérience subjective et interne. Raconter un rêve c’est toujours se heurter à l’incrédulité de l’auditoire, et au décalage entre l’intensité de notre expérience et la platitude du langage qui l’exprime.

Depuis l’Interprétation du rêve de Freud (1899) on sait qu’il déroge aux règles de la logique, : par la condensation il mélange des réalités disparates, par la symbolisation, il donne un relief à des objets banals, par la dramatisation, il donne des situations peu probables. Il faut reprendre l’histoire du rêveur par l’interprétation pour en comprendre le sens, ce qui rend la perception d’un sens non immédiate. Représenter un rêve est donc une gageure.

Par dérision, on peut voir comment les clichés s’emparent de la représentation du rêve, moqués dans Ca tourne à Manhattan (DiCillo, 1995), où un rêve doit contenir des symboles étranges. (un nain, une mariée et une pomme)

Au contraire, on verra comment les maîtres parviennent à sortir de ces stéréotypes et inventent des procédés pour plonger le spectateur le plus sceptique dans le monde de rêve.

On trouve ici l’idée que le rêve est toujours la réalisation (déguisée) d’un désir (Freud).


Dans Mullholand Drive (2001), de David Lynch, la structure du film qui trompe le spectateur montre le rêve de Betty et ses ambitions frustrées par la projection d’une réalité fantasmée dans laquelle cette actrice ratée aurait percé à Hollywood. Le film montre une réalité déformée par l’étrange (désir rattrapé par la réalité) et l’inexplicable, multipliant les personnages incongrus et les récits de rêve dans le rêve, jusqu’à ce que le spectateur ait en sa possession la clef du film, à travers la découverte de la dormeuse qui se réveille (https://www.youtube.com/watch?v=CnM4cl5LZn4). Le déni de la réalité insupportable condamne l’héroïne à la folie.


Dans Vertigo(1958) de Hitchcock un des modèles de Lynch, le rêve est d’abord construit artificiellement par Elster, qui ourdit une machination en utilisant Scottie, pour récupérer l’héritage de sa femme en maquillant un meurtre en suicide. La première illusion est celle de la femme engagée par Elster pour jouer son épouse, à qui il invente une vie imaginaire : une fascination morbide pour une ancêtre devenue folle. Puis lorsqu’il parvient à faire croire à un suicide ce qui est en réalité un meurtre, on assiste à une deuxième illusion, celle où Scottie retrouve par hasard Judy, l’actrice payée par Elster et lui fait jouer le rôle de la défunte. Mise en abîme au quatrième degré.

C’est au cours d’un rêve, que Scottie comprend qu’il est pris au piège comme un insecte dans une toile.


La rose pourpre du Caire de Woody Allen (1985) joue ici comme Mullholand Drive mais sur un mode humoristique sur la similitude entre le spectateur et le rêveur. Cécilia s’échappe de sa vie insatisfaisante de serveuse grâce à sa passion pour le cinéma, en consommant des films d’aventure à l’eau de rose. Le film montre l’ouverture d’une porte dans l’écran qui permet le passage des personnages de fiction dans le monde réel et vice versa. Film de type merveilleux, puisqu’aucun signe ne pointe vers l’hypothèse du rêve, il est pourtant un rappel permanent à la différence du réel et du rêve, puisque les codes du cinéma d’aventure sont tournés en dérision (argent qui coule à flot, voiture qui démarre sans clef…)


Dans Valse avec Bachir (2008) film d’animation de Folman, le réalisateur part à la recherche d’une mémoire perdue, autour de l’opération paix en Galilée et du massacre de Sabra et Chatila (1982). Il montre comment la mémoire traumatique est tissée par l’imaginaire et le rêve. La violence de la guerre est expérience insupportable (ce à quoi renvoient les images documentaires qui clôturent le film) qui sont oubliées (amnésie), ou transformées par l’imaginaire (comme l’image de la sirène géante protectrice).


The Shining de Kubrick (1980) est une enquête sur la plongée dans la folie de Jack, qui échoue à changer de classe sociale et à intégrer le monde des riches (à la façon de Betty dans Mullholand drive). L’écriture comme moyen d’ascension sociale (Martin Eden), est vouée à la répétition stérile. Il restera donc à jamais le gardien de l’hôtel peuplé de fantômes.

Le film ne contient pas de rêve explicite mais un ensemble d’images oniriques, telles les visions de Dany. Shining est une illustration magistrale du fonctionnement du rêve, par image de type hallucinatoire, partiellement muet, il est fait de couleur, (le rouge du sang des ascenseurs, le rouge des toilettes de la Golden room), d’un goût de la symétrie, reprise en boucle de motifs, sur fond de musique diffractée de Wendy Carlos, (chant choral indien, musique funéraire, son de battement de cœur) qui marquent durablement le spectateur.






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